Association du Quartier Saint-Julien Roquefort (SJR)

 

Association du Quartier Saint-Julien Roquefort (SJR)

Patricia Chemin, apicultrice

Mme Chemin Apicultrice

1. Depuis quand exercez-vous l'activité d'apicultrice ? Peut-on parler de passion ?


C'est une passion transmise par mon mari, depuis 1979 quand on s'est mariés. Et qui lui venait déjà de son père. Nous nous sommes installés à Biot en 2000 avec des ruches en bordure de forêt, avant on avait deux ruchers sur Nice et Antibes. Cela fait 9 ans que je m'en occupe toute seule, depuis le décès de mon mari.
Effectivement c'est une passion. Cette année, ce que je vais vendre ne couvrira pas les frais de l'année. Donc je le fais par plaisir. J'ai découvert la vie des abeilles, j'ai appris à les observer, à observer les ruches ; à présent je suis passée dans la période de transmission. Je transmets à tous ceux qui veulent avoir des ruches ou plus de ruches.


2. Quelle quantité de miel produisez vous chaque année ?


En général la production peut arriver jusqu'à 300 kg, c'était le cas en 2013. Mais cette année ce sera juste 60 kg en raison de la pluie et des frelons. Normalement, l'été je transhume les ruches à la montagne, mais cet été, il y a trop de pluie. En ce moment, à la montagne il pleut tous les jours. Mais même ici, à Biot, il pleut trop : le jour où il pleut les abeilles ne peuvent pas sortir et comme la pluie lave les fleurs, pendant deux jours les abeilles ne peuvent pas ramasser. Donc trois jours perdus ! Et en plus, durant ces trois jours, les abeilles mangent leur propre miel.
Une journée de pluie c'est bien pour la nature mais pas pour les abeilles ! Il vaut mieux des périodes sèches, je leur mets alors des abreuvoirs. Il y a beaucoup de critères pour expliquer la baisse de production de miel. A Biot, je l'explique comme ça : comme ici, il n'y a pas de grandes cultures (donc pas de traitements), ce ne sont pas les pesticides qui expliquent la baisse de nos ruchers.
Je vends une partie de ma production ; j'en consomme beaucoup et j'en donne aussi. C'est un cadeau qui fait toujours plaisir.


3. Quelles sont les principales difficultés actuelles que vous rencontrez ?


Le frelon asiatique est un gros problème en ce moment. On essaie tous de le limiter. Sur le chemin de St Julien, les voisins m'ont beaucoup aidé car ils ont piégé les reines. Je tiens à remercier l'Association SJR et particulièrement Laurence Desportes qui m'ont permis de transmettre les informations pour limiter le nombre de ces frelons (et en particulier leur reine). Je remarque que cette année, j'ai moins d'attaques massives. Toujours beaucoup d'attaques, mais moins. L'intervention de l'ASJR a aidé à limiter les nids.
En théorie, on n'a pas le droit selon les dernières directives… Mais il faudrait absolument que les instances trouvent des solutions car si ça continue comme ça, il n'y aura plus d'abeilles dans pas longtemps. Les gens qui font les études environnementales ne sont pas forcément ceux qui ont des abeilles. Ils observent mais l'observation ça va bien un moment ! Le frelon asiatique est présent en France depuis 10 ans… Donc il faut arrêter d'observer et agir !


4. Quels changements avez-vous observés sur les abeilles durant votre vie d'apicultrice ?


La durée de vie d'une abeille est de 21 jours et en 21 jours, elle fait tous les métiers. Une reine, avant vivait jusqu'à 5 ans mais maintenant elle ne vit que deux ans. C'est dû à la pollution et à nos pratiques apicoles. Quand je dis « avant » c'est il y a 15 ans en arrière. En 15 ans, la façon de tenir un rucher et les résultats ont énormément changé. Il y a 15 ans, si vous m'aviez demandé combien rapportait une ruche, j'aurais dit 40 kg par ruche. Maintenant les chiffres officiels sont de 9 kg par
ruche. Et les ruches qui rapportent 40 kg, il n'y en a plus !
La génétique des abeilles s'est modifiée : on n'a plus d'abeilles de souche de base, ancestrale (l'abeille pure ou noire) ; maintenant ce sont des abeilles hybrides. Ils essaient de plus en plus de faire des abeilles douces qui ne piquent pas, mais en contrepartie elles ne se défendent pas. Alors qu'elles ont besoin de se défendre car elles sont agressées. De plus, les abeilles douces n'ont pas de langues assez grandes pour aller dans les fleurs. Avant on avait des petites abeilles noires qui
travaillaient bien mais qui étaient agressives ; maintenant on a des abeilles douces, un peu orangées, qui travaillent moins bien et qui nettoient moins bien les ruches. Il y a des abeilles qui ne font qu'essaimer et qui ne produisent rien ! C'est leur génétique. Il faut qu'elles soient nettoyeuses car sinon il y a des champignons, des microbes, des parasites sur le rucher. C'est très important.
Au fur et à mesure des années je vois le caractère des abeilles changer.


5. Quels conseils donnez-vous à ceux qui veulent se lancer dans cette aventure ?


Avant d'acheter un essaim, il est important de savoir d'où viennent les abeilles. Aussi, aux jeunes qui veulent s'installer, je conseille de venir me voir au printemps. Ainsi je peux leur dire sur quel rucher les abeilles ont été récupérées, si elles travaillent et si elles nettoient.
Quand quelqu'un veut s'installer comme apiculteur il y a une procédure administrative à faire que j'explique aux gens qui viennent me voir. Il y a les mêmes imprimés que l'on ait une ruche ou 100 ruches. Cela permet de connaître le nombre d'apiculteurs qu'il y a dans un département. Dans les Alpes Maritimes, il y a 640 apiculteurs amateurs, dont 7 sur la commune de Biot. Je recommande de s'installer en amateur car en professionnel ce n'est plus rentable. Il faut compter environ 850 euros pour le coût de mise en route d'un rucher de deux ruches pour un amateur. C'est un investissement en argent, en temps et en travail. Il faut le faire par plaisir !

Mme Chemin Apicultrice